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Suivre son étoile | P. Dominique Janthial | Épiphanie | 05/01/2020

Dernière mise à jour : 1 mars 2020



Ce qu’il y a de touchant dans cette tradition des mages suivant leur étoile, c’est précisément qu’ils suivent leur étoile. L’expression est passée dans le langage courant et elle signifie écouter et se laisser guider par ses aspirations intérieures les plus élevées. En cette période de vœux, j’aime à rappeler ce que disait Wilde je pense : « Les hommes font tous la même erreur : celle de penser que le bonheur consiste en la réalisation de tous leurs vœux ». Il est nécessaire que le désir de l’homme se purifie pour le guider dans sa quête. Et les mages peuvent nous aider à opérer cette purification. Les mages représentent en effet l’humanité à qui « il manque un truc » et qui suit son étoile pour le trouver (l’humanité en général et chacun de nous individuellement). En arrivant à la crèche, ils vont reconnaître en Jésus celui qui exauce ces aspirations dans les trois dimensions que symbolisent leurs présents : l’or c’est-à-dire la recherche du pouvoir, l’encens c’est-à-dire la quête religieuse et la myrrhe c’est-à-dire le désir de l’immortalité. Ce n’est pas si simple de suivre son étoile et c’est encore moins évident d’adorer Jésus. Alors ce matin cela vaut la peine de nous arrêter quelques instants pour nous laisser enseigner par ces mages.


L’or symbolise le pouvoir car il le procure. Or exercer le pouvoir nous attire car cela permet de s’assurer une place au soleil. Nous avons beau dire que le pouvoir ne nous intéresse pas, il faut avouer que lorsqu’on nous apprend qu’une responsabilité qui aurait pu nous échoir a été confiée à un autre, notre première réaction est souvent : « Et moi, et moi, et moi ? » Parce qu’on a le sentiment qu’on nous a pris notre place et que nous nous sentons menacés dans notre existence. « Les grands font sentir leur pouvoir ». Et nous-mêmes comment occupons-nous la parcelle d’autorité qui nous est confiée ? Est-ce que notre soif de pouvoir, notre ardeur à nous faire une place au soleil ne doit pas encore être convertie en adorant Jésus dans la crèche, lui pour qui il n’y avait justement « pas de place dans la salle commune ».

Voici bien la seule religion qui vaille, non pas celle qui offre l’autre en sacrifice mais celle où j’apprends à m’offrir moi-même pour faire la volonté de Dieu.

L’encens est, un peu sous toutes les latitudes, le symbole de la quête religieuse. Durant ma première année de sacerdoce, je terminais mes études à Jérusalem et je kotais avec des étudiants juifs pratiquants. Comme je n’avais pas la possibilité de rejoindre tous les jours une communauté chrétienne pour la messe quotidienne, je leur avais demandé si je pouvais la célébrer privatim dans ma chambre. Ils n’y virent pas d’inconvénient tant que je n’employais pas d’encens. L’encens est en effet un symbole fort de la dimension sacrificielle qui est, en quelque sorte, la quintessence de la religion. C’est pourquoi la religion commence à la machine à café lorsque deux ou trois sont réunis pour sacrifier un quatrième. Avec leur langue évidemment pas avec un couteau de boucher. Et s’ils peuvent mettre la main un responsable, alors là c’est une bête de choix ! Jésus nous invite à convertir ce fonctionnement religieux lui qui, selon l’auteur de l’épître aux Hébreux, prononce ces paroles en entrant dans le monde : « Tu n’as voulu ni sacrifices, ni holocauste, tu m’as formé un corps : me voici, ô Dieu, pour faire ta volonté ». Voici bien la seule religion qui vaille, non pas celle qui offre l’autre en sacrifice mais celle où j’apprends à m’offrir moi-même pour faire la volonté de Dieu. Or nous apprenons cela dans l’adoration de Jésus dans la crèche, lui qui en entrant dans le monde prononce ces paroles : « Tu n’as voulu ni sacrifices, ni holocauste, tu m’as formé un corps : me voici, ô Dieu, pour faire ta volonté » (Hb 10,5-7).


Enfin, notre société contemporaine a pour une part pervertie sa soif d’immortalité que symbolise la myrrhe en une hargne à contrôler la vie de manière absolue. Les derniers exemples en date étant celui du ceux du suicide légalement assisté et de l’obligation faite à la médecine de ne délivrer que des bébés parfaits. Mais il ne suffit pas d’être anti ceci ou pro cela. La véritable attitude chrétienne, celle qui s’apprend auprès de ce Jésus qui aujourd’hui est dans la crèche et demain sera sur la croix, consiste à « reconnaître en toute vie, même faible et souffrante, un merveilleux cadeau du Dieu de bonté »... y compris notre propre vie ! Il s’agit de convertir nos récriminations en actions de grâce et en louange et de considérer chaque personne vivante autour de nous dans sa perspective d’éternité. Voilà la vraie attitude chrétienne que nous apprendrons, comme les mages, auprès de Jésus à la crèche.


Alors si vraiment l’accueil de Jésus dans notre vie vient convertir notre soif de pouvoir, notre religiosité homicide et notre quête d’immortalité, l’Église et notre communauté resplendiront de la vraie lumière du Christ. La promesse du prophète Isaïe pourra alors se réaliser pour nous : « Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera... Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore ».



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