Parmi les références bibliques que nous pouvons apprendre par cœur, j’aime la question soulevée par Ac 19,2. Ne répondez pas tous avec Ap 8,1 (il se fit un long silence d’environ une demi-heure), mais laissons-nous plutôt interpeller par la manière dont Paul aborda les disciples qu’il rencontra à Éphèse : avez-vous reçu l’Esprit Saint (Ac 19,2) ? Certes, pour nous, baptisés du XXIe s., la question est saugrenue et la réponse évidente : bien sûr ! En sommes-nous certains ? Ou, plus précisément, si nous avons, sans aucun, doute reçu l’Esprit Saint aux jours de notre baptême et de notre confirmation, vivons-nous sous sa conduite ? Ces dons reçus par chacun en vue du bien de tous – dont parle l’Apôtre dans la deuxième lecture - comment se fait-il qu’ils ne soient pas davantage manifestes ? Si la vie ecclésiale a été reléguée, dans notre pays, au rang des « réalités non essentielles », loin derrière le shopping et les parties de golf, n’est-ce pas, pour une part du moins, en raison de son manque de manifestation en vue du bien de tous ? Une chose en tout cas est certaine : nous aspirons au changement et l’Esprit Saint est par excellence celui qui provoque un avant et un après.
Récemment quelqu’un me disait que les « convertis » avaient tout de même plus de chance que ceux qui, comme lui, avaient reçu la foi au biberon. Pour ceux-là, au moins, il était clair que la foi changeait la vie, mais pour les autres ? Je voudrais ici m’adresser particulièrement aux ados et aux jeunes issus de famille chrétienne, à vous tous qui vous dites : « j’ai reçu Jésus avec la soupe et depuis ça a toujours le même goût. Qu’est-ce que l’Esprit Saint pourrait m’apporter de plus ? » La réponse se découvre dans le récit de la Pentecôte lorsqu’il est dit que ceux qui étaient réunis à Jérusalem virent comme un feu qui se partageait en langues et se posa sur chacun. L’Esprit est comme un feu de sorte que ceux qui le reçoivent ont, pour ainsi dire, le cœur brûlant. Nous savons tous la différence qu’il y a entre faire des choses par devoir et les faire avec enthousiasme et passion ; eh bien, c’est ce qui arrive avec l’Esprit Saint. Toute la vie devient passionnante - spécialement là où il est question de Dieu : pas seulement de prière mais de vie selon Dieu, c’est-à-dire de services à rendre, de charité à inventer, de pauvres à accueillir, de vie à communiquer. Et lorsque la vie est vécue avec enthousiasme, elle interpelle les autres, ceux qui sont froids, elle devient un témoignage. La vie se met à parler de Dieu sans forcément que son nom soit prononcé mais selon ce que nous avons lu, que le feu se partageait en langues en se posant sur les disciples. Voilà, en très bref, résumée l’action de l’Esprit Saint dans une vie.
Cela a plusieurs conséquences. La première est que si ta vie de foi te semble monotone, froide ou tiédasse, voire embêtante, ça ne sert à rien de claquer la porte. La monotonie t’accompagnera. Ce qu’il te manque, c’est une nouvelle visite de l’Esprit Saint. Ne pense jamais que plus rien de neuf ne puisse advenir dans ta relation à Dieu. Dis-toi plutôt qu’en ce moment, tu traverses comme un désert, mais que d’autres ont le cœur enflammé. Je sais bien que lorsqu’on est ado, il ne faut pas se montrer trop enthousiaste, surtout pour la religion, surtout devant ses amis. En réalité, il en est de même dans la société compliquée des adultes. Il n’empêche que dans le secret de ta chambre, tu as le droit, chaque soir ou chaque matin, de demander à l’Esprit d’embraser ton cœur du feu de sa présence. Alors toute ta vie sera transformée.
Se livrer à l’Esprit, c’est quitter le monde rassurant des foules et des photocopies, de la vie spirituelle par procuration, la vie des groupies et des followers, pour une vie où l’on est en première ligne et où le sens de sa responsabilité ne cesse de s’affiner.
Le deuxième élément que je voudrais souligner, c’est qu’au début du récit de la Pentecôte il est question d’une foule qui se rassemble mais qu’ensuite chacun entend dans sa propre langue proclamer les merveilles de Dieu. Ce passage d’une « foule » anonyme à ce que Paul appellera un « corps » organisé, où chaque membre a sa place, où chacun est considéré en lui-même et pour lui-même, est un fruit important de l’Esprit. Mais ça peut faire peur. Car se livrer à l’Esprit, c’est quitter le monde rassurant des foules et des photocopies, de la vie spirituelle par procuration, la vie des groupies et des followers, pour une vie où l’on est en première ligne et où le sens de sa responsabilité ne cesse de s’affiner. Et c’est pour cela, me semble-t-il, que la manifestation de l’Esprit est également associée au pardon des péchés, selon l’évangile de Jean. En effet, il faut souvent faire preuve d’une très grande liberté intérieure pour écouter véritablement l’Esprit Saint dans ses suggestions les plus audacieuses. Or, le premier obstacle à cette liberté consiste bien souvent en un vague sentiment de culpabilité, de soumission, d’enfermement dans des paroles accusatrices ou encore dans ces petits secrets honteux dont on ne parvient pas à se détacher. Le souffle du Christ, lui, répandu au soir de Pâques sur les disciples enfermés et apeurés, a eu pour effet de les libérer de tout cela et de leur donner la paix, la joie et l’audace.
S’il est bien évidemment légitime que nous aspirions à nous retrouver bientôt pour prier ensemble, il est plus encore nécessaire que chacun se livre dès à présent à l’Esprit Saint, que chacun se sente responsable du Corps entier. En réalité, beaucoup parmi vous ont déjà reçu ce feu de l’Esprit. Ce jour est l’occasion d’en faire mémoire, peut-être d’en témoigner. Que la parole de Paul aux chrétiens de Thessalonique accompagne le temps qui s’ouvre devant nous. N’éteignez pas l’Esprit ; ne méprisez pas les prophéties ; discerner tout ; ce qui est bon, tenez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal (1Th 5,20-22). Amen.
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