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La joie de la conversion I IIème dimanche d'Avent I p. Sébastien Dehorter I 05/12/21




Le temps de l’Avent est comme une pièce de théâtre en quatre actes. Ce n’est donc pas En attendant Godot qui n’en comporte que deux. Et surtout, à la différence de Godot, Jésus que nous attendons a tenu sa promesse : il est venu, lui, et il ne cesse de venir. L’acte I fut un appel à la vigilance. Rappelez-vous, dimanche passé : Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse… Restez éveillés et priez en tout temps. Lorsque le rideau s’ouvre sur le deuxième acte, aujourd’hui, entre en scène l’un des personnages les plus emblématiques de cette période (l’autre étant évidemment la Vierge Marie) : Jean-Baptiste. Parcourant toute la région du Jourdain, ce fils de prêtre qui a grandi dans la solitude et la rudesse du désert proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés.


À première vue, ce n’est pas tellement attractif. Mais il y a une chose étonnante : pour parler de Jean-Baptiste, les quatre évangélistes utilisent les prophéties les plus exubérantes de toute la Bible, celles qui parlent du retour d’exil. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers… tout être vivant verra le salut de Dieu. Vous vous rappelez l’histoire derrière ses textes : entre 598 et 587 av. JC : siège puis destruction de Jérusalem, déportation à Babylone ; 50 ans (70 d’après Jérémie) plus tard, édit de Cyrus et retour des exilés. Et ce fut la joie : Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie.


Comment justifier ce rapprochement entre la prédication austère de JB et l’exubérance du retour d’exil ? Certes, on peut voir une analogie entre les deux situations : d’un côté, le désastre et l’humiliation de l’exil ; de l’autre, la souffrance des habitants d’Israël subissant depuis 70 ans l’occupation romaine. S’ils ne sont pas exilés, ils ne sont pas non plus vraiment chez eux. Ne serait-il pas temps que ça change ? Le Sauveur dont JB annonce la venue, n’est-ce pas lui qui vient tout rétablir ? De fait, une espérance politique a toujours été attachée à la figure de Jésus, tout comme elle l’est encore aujourd’hui par certains à l’égard de l’Eglise. Mais je pense que l’association entre la prédication du Baptiste et l’expérience de l’exil est d’un autre ordre, que l’on pourrait simplement qualifier de spirituel.


Ainsi, qu’est-ce que pécher, sinon s’exiler de soi-même, provoquer des ruines à l’intérieur de son cœur, devenir un étranger, loin de Dieu et loin des autres, souvent seul et incompris ?

C’est en effet à partir de l’exil qu’Israël a pris conscience, plus que jamais, de son identité, de l’originalité de sa foi en un Dieu unique, Créateur et Sauveur, tout en éprouvant la nostalgie de Dieu et une espérance plus forte que toutes les ruines. Peu à peu, l’exil est devenu une métaphore puissante pour parler de la vie spirituelle. Ainsi, qu’est-ce que pécher, sinon s’exiler de soi-même, provoquer des ruines à l’intérieur de son cœur, devenir un étranger, loin de Dieu et loin des autres, souvent seul et incompris. Qu’est-ce que se convertir, sinon rentrer d’exil ?!


Il est donc possible de parler de la conversion d’une manière vraiment positive. C’est ce qu’on peut voir dans les textes de ce jour et je voudrais en souligner quatre éléments.

· Se convertir, c’est retourner à la maison. Laisser couler ses larmes en revoyant les murailles de Jérusalem ou encore se jeter au cou de son père et l’embrasser, lui qui nous attendait patiemment. Peut-être que certains diront : « mais moi, je ne veux pas rester à la maison, je veux partir, découvrir le monde ! » Bien sûr, tu peux partir, voyager, mais que ce ne soit pas l’exil. Prends garde de ne pas te déraciner. Ou, mieux, découvre qu’il est toujours possible de partir en portant Dieu avec toi - de partir sans t’éloigner - car le jour où tu le lâches, c’est toute ta vie qui s’écroulera.

· Se convertir donne la joie. Ils se réjouissent – dit le prophète Baruch - parce que Dieu se souvient. Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. Parfois, des gens sont tout gênés lorsqu’ils viennent se confesser en disant : « ça fait très très longtemps que je ne me suis pas confessé, 1 ans, 5 ans, 20 ans ! » « Mais alors - je réponds - c’est un jour de joie ! »

· Se convertir, c’est tracer un sentier droit dans son cœur. Abattre les collines de l’orgueil, combler les ravins de l’injustice, enlever tous les gros cailloux, les regrets et les rancœurs, qui si souvent font trébucher. La simplicité d’un cœur droit et pur est tellement bienfaisante, n’est-ce pas ?. Jean-Baptiste est en quelque sorte le cantonnier du bon Dieu et le sacrement du pardon, la pioche et la pelle dont il se sert pour travailler.

· Se convertir, enfin, c’est recevoir un nom nouveau et une parure nouvelle. Nous l’avons entendu : Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours… Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel, car Dieu, pour toujours, te donnera ces noms : « Paix-de-la-justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu ». Vous savez toute l’importance que la Bible attache au nom pour désigner notre identité profonde en même temps que notre mission en ce monde. D’une certaine manière, l’itinéraire de toute vie consiste à découvrir ce nom nouveau, à se l’approprier et à l’accomplir - au prix parfois, de combien d’errances !.. À propos de nom, vous savez qu’il existe dans nos régions un champignon assez commun qui s’appelle, accrochez-vous, le « clitocybe nébuleux ». En fait c’est un nom terrible, un peu comme « Cendrillon ». « Clitocybe » en effet vient de kubê, la tête et du verbe klinô, pencher. Le champignon s’appelle ainsi car en vieillissant, son chapeau au lieu d’avoir une belle forme de toit de chaumière, s’affaisse sur lui-même, devenant convexe, légèrement déprimé. Et sa nébulosité indique sa teinte gris-pâle, comme un ciel d’hiver passablement couvert. En un mot, c’est un nom de déprime, comme dans la chanson de Brel : « avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu » ; en un mot aussi, c’est ce que nous devenons tous lorsque pendant trop longtemps nous nous sommes éloignés du Seigneur : notre tête finit par s’affaisser et notre paysage intérieur par prendre la teinte d’un ciel nuageux de décembre. Pourtant, ce n’est pas le plan de Dieu. Nous ne sommes pas Cendrillon et nous n’avons pas non plus besoin d’une bonne fée pour revêtir notre vraie splendeur. Car cela aussi est l’œuvre de la conversion.


Frères et sœurs, l’acte II ne durera qu’une semaine. Hâtons-nous de revenir vers le Seigneur pour recevoir et la joie promise, et la droiture du cœur et ce nom intime que l’Enfant Jésus aura la délicatesse de nous murmurer au creux de l’oreille. Un dernier mot. S’il vous plaît, quand vous vous confessez, ne dites pas : « j’ai mangé du chocolat », ça ce n’est vraiment pas un problème, à condition seulement, que vous sachiez le partager. Amen, alléluia !

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