« La joie à petits pas »
En ce dimanche dit de « gaudete », les lectures nous invitent logiquement à la joie. Demandons-nous donc : quel genre de joie ? À mon avis pas celle que tentent de répandre les musiques de Noël dans les magasins en cette période de fêtes. Ni non plus une joie qui serait trop tapageuse ou insolente pour les personnes qui traversent des circonstances de vie difficiles ou qui sont angoissées par l’état du monde et de la planète. Rien à voir avec l’injonction de bonheur que se plaît à véhiculer la publicité : du rêve hors de portée.
Justement, les paroles entendues dans la première lecture sont des mots adressés par le prophète Sophonie à un peuple en détresse. « Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie ! » Il faut donc comprendre que la joie annoncée est compatible avec un temps d’épreuve. Et il poursuit : « Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi. » Saint Paul, dans la même ligne, écrit ces mots aux chrétiens de la ville de Philippe : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. » Pourtant eux aussi traversent des circonstances difficiles. Mais Paul les assure : « Le Seigneur est proche. » C’est qu’il sait bien que cette jeune communauté chrétienne a déjà commencé à vivre une vie toute nouvelle, inspirée de l’Esprit du Christ lui-même.
Ecouter Jean-Baptiste
Celui qui achève de nous faire comprendre de quelle ordre est la joie à laquelle nous sommes conviés, c’est Jean-Baptiste. Il est en train de proclamer la bonne nouvelle offerte à tous : « Convertissez-vous ! Celui qui baptise dans l’Esprit Saint est proche ! » Et voilà que viennent à lui des gens que le peuple déteste : des publicains et des soldats, qui se sentent attirés par cette vie nouvelle et demandent ce qu’ils doivent faire pour cela. Le moins qu’on puisse dire est que la réponse de Jean-Baptiste a de quoi étonner. Aux publicains : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » On voudrait rétorquer : et c’est tout ? Ce sont quand même des publicains ! Ne faut-il pas exiger d’eux un changement plus radical ? Et de même pour les soldats : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » Cela semble insuffisant, sinon dérisoire. Mais Jean-Baptiste le sait bien : s’ils suivent son conseil, s’ils font ce pas, ce sera un commencement. Ils seront entrés dans la vie que suscite l’Esprit du Christ. Et ils sauront que le Seigneur est avec eux et en eux. La voilà donc, la joie !
Une joie à notre portée
Quel message rassurant. Frères et sœurs, la joie de ce jour est à notre portée. Elle n’est pas réservée à l’élite des grands saints du calendrier. Aujourd’hui nous sommes nous-mêmes le peuple à qui parle Sophonie, nous sommes les Philippiens à qui écrit saint Paul. N’avons-nous pas, nous tous, commencé à vivre de la vie de Dieu ? N’avons-nous pas commencé à poser ces gestes de partage qu’enseigne Jean-Baptiste ? Alors qu’attendons-nous pour y reconnaître le signe de la présence du Seigneur en nous ? Qu’attendons-nous pour bondir de joie en disant : oui, le Seigneur passe dans ma vie à moi aussi ! En fait, c’est une question de regard. Arrêtons de dire que nos paroles et nos gestes d’amour sont insignifiants. Bien sûr nous sommes attendus plus loin. Mais laissons-nous déjà emmener dans la danse de ceux qui osent croire que c’est simple, que oui, Dieu a vraiment commencé à les guider dans une vie nouvelle, bonne, inspirée par Lui. Tout cela est le bon grain que le Seigneur est capable de reconnaître. Il ne s’y trompe pas, et ne manquera pas de l’amasser comme un trésor dans les greniers de la vie éternelle.
Abbé Eric Mattheeuws
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