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Homélie 5E Temps ordinaire - Année A | 5/02/2023 | P.Damien Desquesnes.


Le passage d’Évangile que nous venons d’entendre est la suite de celui de dimanche dernier. Partons de là où nous sommes restés, je veux dire la dernière béatitude : « Heureux êtes-vous, dit Jésus, si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi ; réjouissez-vous ; soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux. »


De toutes les béatitudes, celle-ci est en effet la plus paradoxale ; elle est la plus explicite à propos de la voie sur laquelle la foi nous engage. Croire en Jésus, vivre selon la loi de son Royaume nous marginalise par rapport au monde…

C’est un fait que nous réalisons avec moins de peine aujourd’hui non seulement parce que nous sommes moins nombreux qu’autrefois, mais surtout parce que la pensée dominante de notre époque n’est plus la nôtre.

C’est pourquoi les paroles de Jésus nous saisissent plus concrètement et de façon plus lumineuse. Le temps où nous sommes est donc une chance pour redécouvrir l’esprit des béatitudes, celui de la pauvreté du cœur.

Cet esprit s’est forgé au cours de l’histoire d’Israël. Après avoir cherché sa sécurité dans des alliances avec des peuples voisins, Israël n’a pas pu éviter la défaite, la prise de la ville sainte et la déportation à Babylone. À travers l’humiliation de l’Exil, Israël a appris à s’appuyer sur Dieu — la source de son salut —, non sur les autres ni sur lui-même, mais sur Dieu. C’est cela la pauvreté du cœur : celle de l’homme qui met sa foi dans le Seigneur seul, qui ne cherche pas la gloire qui vient des autres.

C’est à ces pauvres-là que Jésus dit aujourd’hui qu’ils sont le sel de la terre : à ceux qui sont à la marge du monde et de ses succès.

Il importe que nous réalisions que ce qui nous est demandé, c’est d’être du sel. Il est certainement impossible au sel de nos cuisines de cesser d’être du sel, mais c’est un risque réel pour nous si d’aventure nous perdons l’esprit de pauvreté du cœur : la foi, l’union quotidienne au Christ, la volonté d’imiter son comportement et de tenir compte de sa présence, le souci de plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes.


Je voudrais terminer en évoquant une autre façon de cesser d’être du sel pour le monde. Je vous l’ai dit, l’esprit de pauvreté du cœur induit de fait une certaine marginalisation. Quelquefois celle-ci peut être très « inconfortable ».

Mais nous cessons d’être du sel dans cette situation si nous adoptons une posture de victime. Nous verrions alors le monde extérieur comme humiliant, comme une réalité à fuir parce que perdue et corrompue, une réalité vis-à-vis de laquelle nous éprouverions un ressentiment stérile. Nous finirions par regarder le monde avec hauteur, le considérant indigne de recevoir cette richesse que nous avons de connaître le Christ.

Frères et sœurs, il nous faut tenir le paradoxe suivant. Il s’agit de répondre à l’appel du pape d’aller aux périphéries, alors que, d’une certaine manière, nous y sommes déjà. Mais l’esprit de pauvreté nous aide à garder la saveur du sel en ce sens qu’il nous rend capables d’aborder le monde en rejoignant, avec simplicité et ouverture, sa détresse spirituelle et morale.

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