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Dimanche des Rameaux I À l'école des trois Simon I p. Sébastien I 28/03/2020





Nous voilà arrivés sur le seuil de la Grande Semaine. Une semaine et non pas un jour, car on ne peut pas célébrer en un seul jour et la mort et la résurrection du Christ. Le Mystère de Pâques est à l’image de la vie : il prend son temps.

De quoi est faite notre vie ? Essentiellement d’actions, de paroles, et derrière cela, de pensées. Aujourd’hui, l’heure est venue de rassembler notre vie, tout ce que nous avons fait, dit ou pensé au cours des derniers mois, de nous saisir en quelque sorte de notre propre être et de le présenter devant Jésus. Me suis-je rapproché de lui ? L’ai-je suivi plus facilement ? Ou bien, me suis-je éloigné de Jésus, de ses amis, de l’Église, de moi-même - comme lorsqu’on a honte de soi ?

Dans l’évangile de la Passion, si nous lisons bien, nous rencontrons plusieurs groupes de personnes – les disciples, les scribes et les grands prêtres, les foules, etc. – mais aussi de très nombreux individus. J’en ai compté 24 au total, en plus de Jésus : Simon le lépreux, la femme qui versa le parfum, Judas, Pierre, Jean, le grand-prêtre, Pilate, le jeune homme qui s’enfuit tout nu ; ou encore : Barabbas, Simon de Cyrène, le Centurion, les deux bandits, Marie Madeleine, Salomé, etc. Nous aimerions interviewer chacun, chacune, pour comprendre ce qu’il aura vécu en ces jours terribles… Faute de temps, je vous propose de nous arrêter sur trois d’entre eux, autour des trois Simon.


Tout d’abord Simon-Pierre dans la cour du palais du grand-prêtre. Il est là, seul, car tous les autres ont enfui. Il est là car il a eu cette audace de dire à Jésus : même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. Alors il a suivi… de loin. Par trois fois, une jeune servante et ceux qui se trouvaient là vont lui adresser la parole et par trois fois Pierre va nier. D’abord de manière un peu vague – je ne comprends pas de quoi tu parles – puis, de manière directe : je ne connais pas cet homme dont vous parlez. Il va ainsi nier non seulement sa relation à Jésus (toi aussi tu étais avec Jésus de Nazareth), mais encore son appartenance au groupe des amis (tu es l’un d’entre eux) et même sa propre identité : tu es Galiléen. « Non, se met à protester Pierre, je ne suis rien de tout cela ». Il n’est plus rien. Et quand le coq se met à chanter pour la seconde fois, Pierre, se rappelant la parole de Jésus qui lui avait annoncé son triple reniement, fondit en larmes.

On peut alors se demander : pourquoi Jésus a-t-il confié à un homme comme lui la mission d’être le gardien de l’unité de l’Église dans la foi ? Je pense que c’est à cause de ses larmes. Pierre a pleuré. Il a reconnu l’écart entre ses paroles présomptueuses et la vérité de ses actes. Il a perçu que Jésus le connaissait mieux que lui-même, que d’ailleurs Jésus avait toujours eu l’initiative dans sa vie, depuis son appel sur les bords du lac de Galilée jusqu’à cette nuit de Pâque. S’il a su pleurer, c’est qu’il n’avait pas le cœur complètement dur : il ne s’est pas entêté à essayer de se justifier sur tout ; il a laissé remonter sa douleur et la boule d’angoisse et de peur qu’il avait au fond du cœur. Bref, il était prêt désormais à faire confiance à Jésus, même lorsqu’il ne comprendrait pas, pas tout, pas tout de suite.

Les larmes de Pierre nous préparent au Samedi Saint qui est un bon jour pour faire un bilan, un jour pour accepter que ce soit Jésus qui me sauve et non pas moi qui sauve Jésus, ou mes amis ou encore moi-même.


Allons-nous être du côté des parleurs moqueurs ou bien des courageux silencieux pour qui c’est comme plus fort qu’eux : s’il y a du bien à faire, ils ne peuvent passer à côté ?

Ensuite, il y a Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus qui fut réquisitionné, alors qu’il rentrait des champs, pour porter la croix de Jésus. Qu’est-ce qu’il était donc allé faire un matin de Pâque à la campagne ? Je me demande surtout ce qu’il a pu raconter à midi autour de la table, une fois de retour chez lui. Peut-être que certains ont pris peur : « Quoi, tu as accepté de porter la croix d’un condamné ? Tu ne sais pas que ces gens sont des maudits ? Et si quelqu’un te reconnaissait dans la foule, n’allons-nous pas tous être dénoncés et subir le même sort ? » En fait, si St Marc nous dit que ce Simon de Cyrène était le père d’Alexandre et de Rufus, c’est probablement parce que ses deux fils étaient connus des premiers chrétiens, autrement dit qu’eux-mêmes étaient devenus chrétiens. Et je me dis qu’en réalité, Alexandre et Rufus ont été fiers de leur papa. Ils ont perçu que leur père était un vrai père : un homme qui accepte de s’oublier lui-même, d’oublier sa fatigue et jusqu’à sa propre réputation pour faire le bien en soulageant la souffrance d’un pauvre.

Simon de Cyrène pourra nous accompagner durant la journée de Vendredi. Allons-nous être du côté des parleurs moqueurs ou bien des courageux silencieux pour qui c’est comme plus fort qu’eux : s’il y a du bien à faire, ils ne peuvent passer à côté ?


Enfin, il y a Simon le lépreux, chez qui Jésus a dîné deux jours avant Pâque. Mais c’est surtout de la femme dont je voudrais parler, celle qui a versé sur la tête de Jésus tout un flacon d’un parfum très pur et de grande valeur. Quelle folie, n’est-ce pas ? On peut imaginer qu’elle était heureuse de posséder cette bouteille de parfum, qu’elle se réjouissait des jours de fête et des soirées où elle pourrait l’utiliser, qu’elle recevrait sans doute des compliments, qu’elle séduirait, surtout qu’un parfum continue de flotter dans l’air même après le départ de la personne, donnant ainsi l’impression d’une présence qui se multiplie. Alors pourquoi avoir tout versé sur le corps de Jésus ?

Jésus a dit à son sujet : Partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en mémoire d’elle, ce qu’elle vient de faire. Le faisons-nous ? Avez-vous déjà entendu parler de cette femme ? Je dirais oui et non. Non, car il est vrai qu’on ne parle pas assez de sa personne ; d’ailleurs son nom a été oublié. En revanche, nous faisons tous les jours mémoire du sens du geste qu’elle a posé – et c’est peut-être cela qui a le plus d’importance à ses propres yeux –, elle qui a honoré le Corps de Jésus, comme un corps agréable, un corps qui sent bon, un corps dont la présence devait remplir le monde entier. Regardez ce Corps : dans deux jours, Jésus le donnera en nourriture – prenez, ceci est mon corps ; puis il sera embrassé par Judas, couvert de crachats, caché par un voile et giflé, il recevra des coups, sera ligoté, flagellé, frappé à la tête par un roseau, couronné d’épines, revêtu de pourpre et moqué, dénudé au Golgotha, cloué sur une croix, couché dans un tombeau. Mais sa mémoire n’est pas tombée dans l’oubli si nous continuons à l’honorer comme cette femme l’a fait. Ce Corps auquel vous pouvez communier à la messe, ce Corps qui édifie l’Église, ce Corps que l’on touche en touchant la chair des pauvres.

Avec cette femme, nous voilà donc conduits au Jeudi Saint lorsque l’amour de Jésus jusqu’au bout commencera de nous fera passer de la mort à la Vie.


Je vous souhaite de vivre une belle semaine sainte : jeudi, en compagnie de la femme entrée chez Simon le lépreux avec son parfum ; vendredi, le courage de Simon de Cyrène ; samedi, les larmes de Simon-Pierre et dimanche, puisse la joie de Pâques nous rassembler dans une même communion.

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