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Dieu nous parle… sans parole | Père D. Janthial | Jour de Noël | 25/12/2019

Dernière mise à jour : 20 févr. 2020




Nous sommes venus ce matin à la messe. C’est une bonne idée un jour de Noël… Mais au fond pourquoi vient-on à la messe ? Il peut y avoir une foule de raisons à cela. Quand j’étais enfant je n’avais pas trop le choix, on allait à la messe et il n’y avait pas à discuter. Surtout le jour de Noël… Alors, à l’adolescence, quand j’ai commencé à contester un peu cet ordre familial immuable, je me bouchais les oreilles pendant le sermon en exerçant par alternance de petites pressions sur mes lobes, cela produisait un bruit qui m’amusait beaucoup. Je n’ai compris que tardivement que l’on venait à la messe pour que Dieu nous parle…


La deuxième lecture de ce jour de la Nativité est tirée de l’introduction à l’épître aux Hébreux et voici ce qui est écrit: « À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils ». En entendant cette parole, nous pensons sans doute spontanément à l’enseignement de Jésus durant son ministère public : le sermon sur la montagne et tout ce qui s’ensuit. Mais ce qu’il y a de particulier c’est précisément que nous entendons ce texte alors que nous célébrons la fête de Noël. C’est-à-dire la venue de Jésus dans la crèche, un Jésus qui dort comme tous les nourrissons, un Jésus incapable de parler…


Et pourtant c’est vrai : ce Jésus dans la crèche, c’est par lui que ce Dieu qui a parlé autrefois par les prophètes, nous parle aujourd’hui…

Et que nous dit-il ce Jésus dans la crèche ? Tâchons si vous le voulez bien d’interpréter ce gracieux babillage qui prolonge et accomplit la « bonne nouvelle », le « salut » et la proclamation du règne de Dieu annoncés à Sion par le prophète Isaïe que nous entendions en première lecture. En fait l’enfant de la crèche a tant et tant à nous dire qu’on ne peut se lasser de l’écouter et que ma pauvre homélie de ce matin ne peut prétendre épuiser son message.


« Ceci vous servira de signe » avait dit les anges aux bergers. En discutant pas plus tard qu’avant-hier avec un jeune ami confronté à des choix professionnels et éventuellement matrimoniaux, je me suis rendu compte qu’il accordait une grande importance aux signes pour poser ses choix. Alors même qu’il ne se dit pas croyant… enfin il ne sait pas trop comme beaucoup qui sont prisonniers d’une modernité qui a réduit le réel au visible, le visible au matériel et le matériel au financier. Et il sent bien que choisir uniquement sur des critères financiers (maximiser son utilité comme on nous apprenait dans nos cours d’économie) ça ne suffit pas. Alors il cherche une communication avec le réel invisible via les signes.


« Ceci vous servira de signe : Vous trouverez un nouveau-né emmailloté » Comme la manière de s’occuper des nouveau-nés est aussi changeante que la mode pour les jeans, je ne sais pas comment on emmaillote les bébés aujourd’hui mais l’image que nous avons tous en tête est celle du nourrisson littéralement ficelé comme un saucisson dans ses langes. Pas vraiment beaucoup de latitude pour gigoter. Et voilà peut-être la première chose que nous dit le Verbe fait chair ce matin : je suis le Tout-Puissant et j’ai accepté d’être emmailloté dans une crèche. J’ai volontairement accepté d’être limité pour te suggérer que pour toi aussi qui rêve de toute-puissance, le salut pourrait bien passer par une limite volontairement acceptée. Regarde autour de toi les dégâts que produit le « toujours plus » et retrouve la sagesse divine qui dès le commencement s’est posé une limite pour permettre à l’autre que tu es de trouver sa place.


« Vous trouverez un nouveau-né endormi », avaient dit les anges aux bergers. Le psaume chante cela : « Dieu comble son bien-aimé quand il dort » et il ajoute : « C’est en vain que tu retardes le moment de ton coucher, que tu te lèves dès l’aurore ». Je peux vous en parler moi qui ai à peine dormi trois heures cette nuit. La deuxième chose que nous dit ce sauveur qui dort ce matin dans la crèche est peut-être que dans un monde qui va toujours plus vite ou il faut être de plus en plus connecté, où l’on vit dans l’angoisse permanente de ne pas avoir ce qu’il faut quand il faut, d’être dépassé – et j’ai parfois l’impression que ma vie est un jeu vidéo, et que les choses à faire sont des objets volants qui m’arrivent dessus et que je dois tout dégommer sinon je suis mort – le salut réside peut-être dans l’acceptation d’une certaine passivité. Car les choses vraiment importante dans nos vies nous adviennent et que la véritable fécondité implique aussi que nous sachions recevoir. N’en était-il pas ainsi dès le commencement lorsque Dieu fit tomber sur Adam une profonde torpeur et que le divin chirurgien le fit ainsi sortir de sa solitude. L’homme qui agit sans cesse reste seul, « Dieu comble son bien-aimé quand il dort ».


Enfin pour recueillir le troisième message de la crèche en ce matin de Noël, il faut dé-zoomer un peu et contempler le groupe de personnages formé par Jésus, Marie et Joseph: L’homme, la femme et l’enfant. La paix de Noël rayonne à partir de la crèche qui inclut l’humanité dans ses trois composantes et forme une famille. Le fait que le Sauveur du monde ait voulu naître dans une famille humaine – alors qu’il aurait très bien su se débrouiller autrement – nous fait comprendre que le salut de l’humanité passera par l’homme et par la femme (et non pas l’homme seulement comme l’ont souvent imaginé les idéologies en tout genre) et qu’il passera aussi par ce type de société où chacun a sa place, où chacun est voulu pour lui-même et non pour ce qu’il peut rapporter, bref une société de type familial.


Ce matin Dieu nous parle sans parole. Dieu nous parle dans le silence de la crèche bien loin du brouhaha qui sans cesse nous environne. Il nous enseigne la bonne nouvelle de ce qui pourrait nous sauver, « une bonne nouvelle pour tout le peuple », pour toute l’humanité : l’excellence de la limite acceptée par amour, la priorité de la réception sur l’action, la beauté de la famille. Il ne suffit pas de comprendre ces choses avec la tête. Mettons-y notre cœur ce matin. Alors une action de grâce pourra en monter vers Celui qui a voulu nous donner le salut au cœur de notre humanité, à travers un nouveau-né dans une famille humaine.

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