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"C'est maintenant" | Mercredi des Cendres | P. Sébastien Dehorter | 26/02/2020

Dernière mise à jour : 27 févr. 2020




[Introduction à la messe] Laudato Si' § 222. « La spiritualité chrétienne propose une autre manière de comprendre la qualité de vie, et encourage un style de vie prophétique et contemplatif, capable d’aider à apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation. Il est important d’assimiler un vieil enseignement, présent dans diverses traditions religieuses, et aussi dans la Bible. Il s’agit de la conviction que "moins est plus" (...) La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu ».

Par cette citations de l’encyclique Laudato Si’ qui servira de fil rouge au Carême sur la paroisse St-François, nous sommes encouragés à vouloir mieux vivre, à opter résolument pour « un style de vie prophétique ». Confions-nous, dès à présent, au Seigneur, demandons lui la sagesse d’être convaincu que « moins est plus » et demandons pardon pour toutes les fois où nous avons confondu la joie avec la quantité et la possession.


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Maintenant, oracle du Seigneur, revenez à moi de tout votre cœur… et Paul enfonce le clou : le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut. Pourtant le Carême ne vient jamais au bon moment, comme beaucoup d’autres choses, d’ailleurs : la maladie, un service demandé, un pauvre qui sonne à la porte, l’annonce d’un décès. Pourquoi ? Est-ce simplement la « loi de Murphy » (la loi de l’embêtement maximal) ou bien n’est-ce pas plutôt que tous ces exemples sont des figures de Dieu, de Dieu qui frappe à la porte, de Dieu qui veut nous dire quelque chose, et nous, nous ne sommes pas prêts à l’accueillir. Car Dieu dérange toujours et notre difficulté à accueillir positivement le temps du carême en est la preuve par excellence. Nous remplissons nos vies et nos agendas de choses à faire, toutes plus importantes et urgentes les unes que les autres, alors cette histoire de Carême, ça peut bien attendre, non ? On commencera demain !


Quel est l’enjeu de s’ouvrir au maintenant de la Parole de Dieu ? Tout d’abord, une question d’obéissance, de souplesse de l’âme et de la volonté. Cela nous garde de l’idolâtrie du moi, de croire que « je suis suffisamment important que, pour moi, le carême souffrira bien quelques exceptions, n’est-ce pas ? » Evidemment, l’obéissance n’est pas une fin en soi, elle fait de nous des fils, de vrais fils de Dieu. Et ce qui caractérise en premier lieu les fils, c’est la liberté et la joie : la joie de dire oui plutôt que non, la joie d’adhérer à la volonté du Père, et la joie de constater que cette volonté nous grandit et nous libère. Car ultimement, il n’y a que deux alternatives. Si nous ne sommes pas les fils de Dieu, nous sommes alors les fils du monde et les fils du diable, lui qui flatte toujours nos propres penchants, qui satisfait nos petits désirs immédiats, qui grossit notre peur de manquer et notre peur d’être exclus, pour nous mener là où il veut. C’est pour nous ne tombions pas dans ses pièges que Jésus insiste tellement sur notre relation au Père, ce Père qui est présent au plus secret, qui voit au plus secret, et qui te le rendra.


Cela dit, notre résistance à entrer dans le maintenant du Carême nous aide à prendre conscience qu’au fond nous n’aimons pas le Carême. Et cela est très embêtant dans la mesure où la Parole de Dieu invite à revenir au Seigneur de tout [notre] cœur. Que faire face à ce constat ? Peut-être connaissez-vous les aphorismes de la jeune philosophe française Simone Weil qui, sans demander le baptême, s’est ouverte à la grâce du Christ à la fin de sa courte vie ? L’un d’eux dit ceci : « Une même action est plus facile si le mobile est bas que s’il est élevé. Les mobiles bas enferment plus d’énergie que les mobiles élevés ». Et elle donne l’exemple des queues alimentaires dans la France des années 1940 : « Les gens qui restaient debout, immobiles, de une à huit heures du matin pour avoir un œuf, l’auraient très difficilement fait pour sauver une vie humaine ». On comprend mieux que le problème, ce n’est pas, par exemple, le jeûne en lui-même, surtout à notre époque. Il n’est pas si difficile de jeûner lorsqu’il s’agit d’une démarche de simplicité volontaire ou qu’il faut rendre absolument son projet d’ingé pour 14h00 : au contraire, on vous applaudit ; on risque même de vous donner en spectacle. Mais jeûner parce que c’est le mercredi des cendres, jeûner parce que nous sommes chrétiens, jeûner pour Jésus ou avec Jésus, ça s’est beaucoup plus difficile. Et c’est la même chose pour l’aumône ou la prière, à une époque où la solidarité sociale, la lutte contre les exclusions et la quête de spiritualité sont communément promues et diffusées sur les réseaux sociaux.


En réalité, tout cela devrait nous encourager à être fiers, comme chrétiens, de commencer aujourd’hui le temps du Carême, car les valeurs qui sous-tendent le jeûne, l’aumône et la prière sont en train de devenir les valeurs phares du monde de demain, qui, bien évidemment, commence maintenant. Ce qui nous y aidera plus que tout, c’est de le vivre ensemble. Nous l’avons entendu dans la première lecture, ce jour est une solennité (une fête, quoi !), une assemblée sainte à laquelle tous sont conviés : les anciens, les petits enfants et les nourrissons et mêmes les jeunes époux.


Le véritable mobile des actions de Carême, c’est la configuration à Jésus

Il y a cependant quelque chose en plus que, comme chrétiens, nous ne devons pas oublier, quelque chose qui est déjà présent dans les lectures de ce soir, quoique de manière discrète. C’est au nom du Christ que nous vivons le Carême, ce Christ dont St Paul dit que Dieu l’a fait péché pour nous, l’a identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. Le véritable mobile des actions de Carême – pour parler comme Simone Weil – c’est la configuration à Jésus - Jésus qui prie le Père, Jésus qui se donne lui-même jusqu’au bout, Jésus dont la nourriture véritable est de faire la volonté du Père. L’action mystérieuse du Carême, c’est qu’au soir du Jeudi Saint, nous soyons trouvés en Lui, que nous ayons une part avec Lui dans la grande œuvre de réparation qu’il accomplira pour le monde.


Ce soir, le temps s’est ouvert, le maintenant est disponible. Acquiesçons et ouvrons-nous à l’œuvre de la grâce. Amen.

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