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25E DIMANCHE TEMPS ORDINAIRE | P. Damien Desquesnes | 20/09/2020


Quelle étrange manière de gérer une vigne ! Le maître semble passer sa journée non à superviser le travail de ses ouvriers, mais à en embaucher. Pourquoi n’a-t-il pas estimé le nombre d’hommes dont il avait besoin et pourquoi ne les a-t-il pas engagés dès la première heure ? On dirait que c’est par compassion, par pitié pour leur ennui, qu’il les a embauchés, promettant chaque fois de donner ce qui est juste.


Il y a dans le comportement du maître non pas un souci de rationaliser le travail en vue de la meilleure production, mais d’exprimer à la fois sa justice et sa bonté. C’est là, frères, que nous risquons de perdre les pédales… Comment concilier rationnellement justice et bonté ? On ne s’en sortira qu’en saisissant la parabole dans l’esprit de l’Écriture.


La vigne, c’est l’image du peuple de Dieu. Les ouvriers embauchés dès la première heure, ce sont les premiers à faire partie de ce peuple, ceux qui ont reçu la Loi au Sinaï, au temps de Moïse. Ils ont porté « le poids du jour et la chaleur » en s’efforçant d’observer les commandements de cette Loi. Non sans raison, celle-ci a été leur privilège ; elle les distinguait des autres peuples, d’où le soin et la minutie qu’ils prenaient pour l’appliquer.


Quant aux ouvriers embauchés sur le soir, ce sont les païens, ces hommes et ces femmes qui sont toujours restés à l’écart du peuple de Dieu et des promesses qui lui ont été faites. Leur histoire s’est passée à errer sur les places, menant, comme dit l’apôtre Pierre, une vie sans but comme leurs pères.


À quoi ces ouvriers de la dernières heure doivent-ils d’entrer dans la Vigne sainte, sinon à un appel, à une grâce, à un débordement de la bonté divine ?


Mais à force de se focaliser sur leur labeur, de mettre leur attention à pratiquer la Loi, les ouvriers de la première heure ont oublié la faveur et l’appel qui sont à l’origine de leur appartenance à la Vigne et qui viennent de la même bonté de Dieu.


Cet oubli est la cause de leur jalousie et de la perversion de leur regard vis-à-vis des autres et vis-à-vis de Dieu. C’est la jalousie qui a créé en eux le sentiment d’injustice ; c’est elle qui se plaît à le mijoter, remplissant ainsi leur âme de ressentiment et de tristesse, la rendant étrangère à la grâce initiale.


Qu’il revienne, cet homme de la première heure, à cette vérité fondamentale que nous avons chantée dans le psaume : « Le Seigneur est juste en toutes ses voies ». Qu’il la médite et il cessera de penser au mérite de ses labeurs, à ses privilèges, et il se réjouira du Dieu qui fait grâce.


Comment ne pas penser à cet ami et ouvrier de la première heure que fut saint John Henry Newman. C’est à l’aube de sa vie - à quinze ans - qu’il se convertit, se mettant à travailler à la Vigne. Il disait à propos de cette période de sa vie : « Je ne pensais qu’à la grâce qui m’était faite ». Et c’est cependant au soir de sa vie, arrivé à la onzième heure, qu’il fait cette confidence, avouant implicitement qu’il avait conscience du don permanent de la grâce. Cette conscience fut aussi vive au début qu’à la fin. Elle fut l’allègement de ses travaux ; elle fut le témoignage d’un authentique esprit d’enfance spirituelle ; elle fut le point d’où il put contempler cette bonté de Dieu dont on s’aperçoit qu’elle est toujours plus grande qu’on ne le pensait.

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